Féminisme : « j’ai grandi en pensant que mes aînées avaient déjà gagné l’affaire »

Alors même que j’ai choisi d’accompagner uniquement des femmes, je parle rarement de ce sujet : le féminisme.

Sujet délicat s’il en est, tellement connoté, source de malentendus parfois.

Mais c’est un sujet qui revient souvent dans mes coachings, on en a par exemple longuement parlé avec Delphine, une ancienne coachée que j’ai revue récemment à Montréal.

Delphine avait accepté de nous parler de ce voyage au Canada qu’elle s’était autorisée (à lire ici), aujourd’hui elle nous fait à nouveau le plaisir de prendre la parole pour nous raconter sa vision du féminisme, comment elle l’a vécu, en tant que jeune femme, puis jeune maman, puis maman de grands enfants. 

Merci Delphine pour ce partage 🥰

 

Samedi 27 avril 2024

Installée avec un thé et cheesecake dans la librairie-salon de thé «Un livre et une tasse de thé», librairie féministe du 10ème arrondissement de Paris, à deux pas de la Place de la République, je repense à ma longue discussion avec Sabine, au cours de laquelle la question du féminisme a rapidement émergé. 

C’est une notion qui a été totalement absente de mon quotidien pendant de très longues années. Née dans les années soixante-dix, j’ai grandi en pensant que mes aînées avaient déjà gagné l’affaire : le droit de vote, la contraception, l’IVG, l’égalité de rémunération (enfin en théorie)…

J’étais persuadée qu’on avait l’égalité de droits et la liberté et je suis complètement passée à côté de la réalité.

Bien sûr, j’avais parfois le vertige en pensant que ma grand-mère n’avait pas toujours eu le droit de voter, que ma mère était née à une époque où les femmes n’avaient encore le droit de gérer leurs biens propres et qu’elle n’avait pas eu accès à la pilule lorsqu’elle était adolescente.

Depuis le lycée, j’avais en tête que le vrai sésame était l’autonomie financière, qui me garantirait de ne pas dépendre de mon conjoint et ferait donc de moi une femme libre et indépendante. 

Et je voulais tout avoir : le job de mes rêves, le mari et les enfants. C’était là ma « revendication » : je veux tout ! Et j’ai tout eu…

 

Sauf que j’ai confondu égalité et cumul des rôles de mère, épouse et avocate.

L’égalité entre les hommes et les femmes ne consiste pas à ce que les femmes gèrent à la fois la famille et le foyer d’une part, et leur travail d’autre part.

Je voulais être à 100% sur tous les fronts. Gérer seule les rendez-vous chez les pédiatres pour les enfants et les « feuilles de route » des vacances scolaires qui revenaient toutes les six semaines ; recevoir à Noël avec une jolie table, avec des paquets cadeaux assortis et une jolie carte de vœux, etc…

Et je voulais en faire au moins autant que les autres au Cabinet…

Je réalise que pendant un voyage scolaire en CM2, je chantais à tue-tête « Femme des années 80 » de Michel Sardou, au fond du bus, en étant convaincue qu’il y avait là quelque chose de subversif ! Quand j’écoute attentivement les paroles aujourd’hui, je réalise comme le message est sexiste :

Femme des années 80, mais femme jusqu’au bout des seins

Ayant réussi l’amalgame de l’autorité et du charme

Femme des années 80 moins Colombine qu’Arlequin

Sachant pianoter sur la gamme qui va du grand sourire aux larmes

Être un PDG en bas noir, sexy comme autrefois les stars

Être un général d’infanterie, rouler des patins aux conscrits

Femme cinéaste, écrivain, à la fois poète et mannequin

Femme panthère sous sa pelisse et femme banquière planquée en Suisse

Femme dévoreuse de minets, femme directeur de cabinet

À la fois sensuelle et pudique et femme chirurgien-esthétique (être une femme)

D’ailleurs, j’ai aussi chanté Axelle Red, j’adorais « Sensualité »… Mais aujourd’hui, j’ai du mal à écouter avec légèreté « Laisse-moi rester femme » sans y voir quelque chose d’assez réducteur :

Laisse-moi rester femme

Je ferai tout pour t’encourager

Ne pas t’étouffer

Pour que tu m’aimes

Ce sont mes enfants, devenus adolescents et jeunes adultes, qui m’ont fait prendre conscience que je n’avais pas à assurer tous les rôles, en me reprenant parfois ou par leur façon de vivre en couple.

Quand je prévois le repas quand je sors pour un déjeuner, mes enfants (qui sont grands aujourd’hui) me rappellent que je ne suis pas chargée systématiquement de la préparation de tous les repas 😊.

Leur génération (les garçons comme les filles) a déjà tant fait bouger les lignes et elle a une vision beaucoup plus éclairée de l’égalité en la prônant jusque dans leur quotidien.

Je me rassure en me disant que je ne leur ai pas trop transmis, même involontairement, le poids d’anciens modèles qui mettent bien du temps à se retirer…

Et je me réjouis de contribuer, enfin, à faire avancer les choses.

PS : En attendant, j’ai la chanson de Michel Sardou dans la tête… C’est malin 😊

📸  Shane Rounce sur Unsplash 

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